I. L’ASSOUPLISSEMENT DES CRITÈRES CONDUISANT À LA RÉALISATION D’UNE ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE OBLIGATOIRE POUR LES PERMIS DE CONSTRUIRE ET D’AMÉNAGER
L’intégration du critère d’ « espace non artificialisé »
Depuis le décret du 4 juin 2018[1], les projets de travaux et de construction et les opérations d’aménagement[2] doivent systématiquement faire l’objet d’une évaluation environnementale dès lors que leur surface de plancher ou leur emprise au sol excède 40 000 m2, quelle que soit la nature de leur secteur d’implantation.
Le projet de décret vient prévoir que seuls seront obligatoirement soumis à évaluation environnementale les projets de travaux ou les opérations d’aménagement emportant au moins 40 000 m2 d’emprise au sol dans un espace non artificialisé, c’est-à-dire autre que :
-les zones urbaines des PLU[3] visées par l’article R. 151-18 du code de l’urbanisme [i.e. les zones dans lesquelles ne peuvent être classés que les secteurs déjà urbanisés et ceux où les équipements publics ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter] ;
-les parties urbanisées[4] des communes au sens de l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme en l’absence de PLU.
La suppression du critère de la surface de plancher
Le projet de décret prévoit ainsi de supprimer le critère de la surface de plancher afin d’ériger comme seul critère pertinent pour la soumission des projets à évaluation environnementale à titre systématique, celui de l’emprise au sol (v. notre schéma), sans toutefois modifier le seuil de soumission ( ⩾ 40 000 m2).
Si l’exigence de prise en compte des incidences sur l’environnement apparaît préservée s’agissant des projets portés dans les secteurs situés en périphérie des agglomérations, s’inscrivant ainsi dans la lutte contre l’étalement de l’urbanisation (objectif zéro artificialisation nette du territoire[5]), elle sera en revanche amoindrie dans les zones urbanisées des communes.
En cas d’adoption de ce projet de décret, un permis de construire portant sur la réalisation d’un projet emportant la création de 40 000 m2 de surface de plancher ou d’emprise au sol en zone urbaine n’aura pas obligatoirement à être soumis à évaluation environnementale.
II. ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE OBLIGATOIRE OU EXAMEN AU CAS PAR CAS ? [6]
Travaux et constructions
Opérations d’aménagement
Rappel
[1] La rubrique 39 du tableau annexé à l’article R. 122-2 du code de l’environnement avait connu une évolution notable à la suite de la parution du décret du 4 juin 2018, qui avait clarifié les seuils de soumission des projets de travaux, de constructions et des opérations d’aménagement à l’évaluation environnementale (cf. notre bulletin du 18/07/2018).
Le dispositif Pinel (CGI, art. 199 novovicies I A) permet aux propriétaires de bénéficier, sous certaines conditions, d’une réduction d’impôt dès lors qu’ils acquièrent un logement situé dans une zone géographique définie, prennent un engagement de location nue à usage d’habitation principale et respectent des plafonds de ressources du locataire et de loyer. La loi de finances pour 2020 est venue circonscrire le champ d’application du dispositif aux seuls logements situés dans un bâtiment d’habitation collectif (« BHC ») à compter du 1er janvier 2021.
RESTRICTION DU PINEL AUX SEULS BÂTIMENTS D’HABITATION COLLECTIF
Le nouveau champ d’application
L’article 161 de la LF pour 2020 est venu limiter le dispositif Pinel aux seuls logements situés dans un bâtiment d’habitation collectif (CGI, art. 199 novovicies I A modifié), excluant ainsi les logements individuels.
L’avantage fiscal n’est donc pas modifié pour les logements compris dans un bâtiment d’habitation collectif.
Ces nouvelles dispositions s’appliquent aux investissements réalisés à compter du 1er janvier 2021 étant précisé que la date de réalisation de l’investissement à retenir est :
La date du dépôt de la demande du permis de construire pour la construction d’un logement par le contribuable (i.e le contribuable contracte directement avec des entreprises ou un contrat de construction de maison individuelle);
La date de signature de l’acte authentique d’acquisition pour les autres investissements (acquisition en VEFA, d’un logement à réhabiliter ou transformer, acquisition logement neuf).
Difficultés pour définir le « BHC »
Ce recentrage a pour objectif de lutter contre l’artificialisation des sols, l’étalement urbain et les constructions diffuses.
Le rapporteur de la loi de finance avait évoqué l’objectif de concentration du dispositif sur la construction d’immeubles permettant d’accueillir des logements plus nombreux.
Seulement, lors des débats parlementaires, il n’a pas été précisé ce que recouvrait la notion de « bâtiments d’habitation collectifs ».
Si certains députés ont soulevé la question de la possibilité de construire des maisons groupées, il n’y a pas été répondu de sorte qu’il existe un doute sur ce dernier point, notamment dans les opérations mixtes comprenant la construction d’un bâtiment collectif et de maisons individuelles (accolées ou non).
LA DÉLICATE DÉFINITION DE LA NOTION DE « BÂTIMENT D’HABITATION COLLECTIF »
Les éléments de définition existants
En droit de la construction, il semble que le critère retenu pour définir un « BHC » est celui de la superposition de plus de deux logements distincts (cf. art. R. 111-18 du CCH).
A contrario, constitue une maison individuelle un bâtiment d’habitation comprenant au plus deux logements superposés comprenant une porte d’entrée commune (cf. dispositions de la RT 20122).
Pour sa part, l’administration fiscale a également pu définir :
en matière de taxe foncière : un immeuble collectif comme n’étant pas une suite de maisons individuelles contiguës, séparées par des murs mitoyens allant des fondations au faîte et disposant notamment de dépendances non bâties distinctes. » (BOI-IF-TFB-20-10-20-20-20121210 §50) ;
en matière de PV immobilière : un logement collectif dès lors qu’il comprend plus de deux logements destinés au même maître d’ouvrage (BOI-RFPI-PVI-20-20 §300 renvoyant à l’article L.231-1 du CCH sur ce point).
En pratique
Pour être caractérisé de « collectif », il apparaît que le bâtiment d’habitation doit a minima comprendre plus de deux logements.
En revanche, le critère de la superposition verticale de logements pourrait ne pas être retenu par l’administration fiscale et des logements alignés horizontalement dans une construction se présentant – structurellement – comme un seul et même bâtiment pourrait être qualifié de BHC.
Ainsi, à notre sens, pourraient être qualifiés de BHC :
les immeubles comprenant plus de deux logements superposés verticalement ou alignés horizontalement, caractérisés par une unité de structure (toiture, fondation, etc.) ;
En revanche, pour l’heure, pourraient ne pas être qualifiés de BHC :
des maisons individuelles accolées en bande ne constituant pas un seul et même bâtiment ;
les constructions ne comprenant pas plus de deux logements.
Une modification applicable à compter de 2021
Ainsi, en cas de commercialisation de logements individuels en VEFA, il est nécessaire que les actes authentiques soient signés avant la fin de l’année 2020, pour pouvoir être éligibles à l’avantage fiscal Pinel.
Quelques précisions
La condition de desserte des logements superposés par des parties communes bâties – qui faisait partie des critères de définition du BHC – a été supprimée par le décret no 2015-1170 du 24 décembre 2015.
Arrêté du 26 octobre 2010 relatif aux caractéristiques thermiques et aux exigences de performance énergétique des bâtiments nouveaux et des parties nouvelles de bâtiments
Dans une décision récente, le Conseil d’Etat précise l’appréciation de la covisibilité d’un projet situé en abord de Monument Historique, laquelle n’est pas circonscrite au périmètre de 500 mètres autour de ce Monument Historique et peut s’effectuer depuis tout point accessible au public, à condition que l’œil nu le permette (CE, 5 juin 2020, req. n° 431994, Tab. Leb.). Or, l’appréciation de la covisibilité repose sur l’architecte des Bâtiments de France (ABF) et conditionne la prise d’un avis simple ou d’un avis conforme (accord). Cette décision présente-t-elle un risque supplémentaire pour la régularité des autorisations d’urbanisme au pays des 50 000 Monuments Historiques (sauf s’agissant de projets inclus dans les périmètres délimités des abords (PDA)) ?
I. CRITÈRES D’APPRÉCIATION DE LA COVISIBILITÉ : À L’OEIL NU, DEPUIS TOUT LIEU ACCESSIBLE AU PUBLIC
Premier critère : Accessibilité au public
Hors le cas où le projet est visible depuis le Monument Historique situé à moins de 500 mètres, la jurisprudence a progressivement bâti la notion de covisibilité du projet avec le Monument Historique dans les abords duquel il se situe.
D’abord, la distance de 500 mètres s’entend d’un rayon à partir du Monument Historique (CE, 29/01/1971, n° 76595).
Ensuite, la visibilité peut être partielle, c’est-à-dire d’une partie seulement du projet (CE, 04/11/1994, n°103270) ou limitée à une certaine période de l’année en fonction de l’état de la végétation (CE, 11/02/1976, n° 95676).
Enfin, la visibilité s’apprécie à partir de tout point « normalement » accessible au public, que ce soit au sol ou en hauteur, y compris de manière saisonnière, payante et après la montée de 300 marches (CE, 20/01/2016, n° 365987).
La notion d’accessibilité au public a été étendue au fil des années : ce qui devient accessible de manière normale (à l’exclusion, par exemple, des journées européennes du Patrimoine, etc.) augmente le champ de covisibilité possible, et inversement.
Second critère : A l’œil nu
L’apport principal de la décision commentée s’agissant de la covisibilité réside dans le critère « d’acuité visuelle » posé par le Conseil d’Etat.
Celui-ci juge en effet, d’une part, que « les dispositions de l’article L. 621-30 du code du patrimoine ne s’opposaient pas à ce que l’existence d’une covisibilité soit constatée depuis un point situé à plus de cinq cents mètres du monument concerné », admettant ainsi expressément la possibilité qu’un projet soit covisible en dehors du périmètre de 500 mètres.
D’autre part, le Conseil d’Etat apporte une restriction pour le moins subjective : le projet doit être visible en même temps que le Monument Historique à l’œil nu (10/10 à chaque œil ?).
Dans cette affaire, le juge des référés du tribunal administratif de Pau a donc dénaturé les faits de l’espèce en jugeant que l’absence d’accord de l’ABF sur un projet pour lequel la covisibilité était démontrée au moyen d’une photographie prise au téléobjectif était de nature a créer un doute sérieux sur la légalité du permis de construire (CE, 05/06/2020, préc.).
II. COMMENT SÉCURISER LES AUTORISATIONS D’URBANISME À CET ÉGARD ?
Analyser l’environnement du projet pour évaluer les cas de covisibilité
En application de l’article R. 425-1 du code de l’urbanisme, toute autorisation d’urbanisme délivrée pour un projet visible ou covisible qui serait situé dans le périmètre de 500 mètres doit faire l’objet d’un accord de l’ABF – et non d’un avis simple –, à défaut de quoi il ne peut valoir autorisation au titre de l’article L. 621-30 du code du patrimoine (CE, 15/01/1982, n° 11373) ; étant précisé que le défaut d’accord dans la procédure de délivrance de l’autorisation d’urbanisme est régularisable par permis de construire modificatif (CE, 02/02/2004, n° 238315).
Avec la nouvelle solution jurisprudentielle, il est désormais acquis que l’analyse de la covisibilité depuis des lieux normalement accessibles au public (notamment ceux situés en hauteur) devient impérative même si le point d’observation se situe en dehors du cercle des 500 mètres.
Se posera ensuite la question de savoir, pour les porteurs de projet, s’ils devront solliciter des ABF qu’ils prennent des décisions tacites réputées favorables au titre de l’article L. 632-2 du code du patrimoine afin de limiter les erreurs de droit liées au visa de leurs avis et censurables par le juge (CE, 12/03/2007, n° 275287) ?
Encourager les périmètres délimités des abords (PDA)
Une solution réglementaire existe pour sécuriser l’appréciation de la covisibilité avec un Monument Historique, et donc la nature de l’avis qui doit être émis : les périmètres délimités des abords (PDA).
En effet, en application de l’article L. 621-30 du code du patrimoine, tout projet situé à l’intérieur d’un PDA est systématiquement considéré visible en même temps que le Monument Historique, de sorte que l’ABF doit donner son accord (avis conforme) sur les autorisations d’urbanisme, plaçant ainsi le service instructeur en situation de compétence liée en cas d’avis défavorable.
Conformément à l’article L. 621-31 du code du patrimoine, un PDA peut être institué par la procédure de modification du PLU, de la carte communale ou du document d’urbanisme en tenant lieu (mais également, lors de élaboration ou d’une révision d’un tel document).
N.B. : la délimitation du PDA fait l’objet d’une enquête publique et n’est pas immuable, puisque ce périmètre peut être modifié dans les mêmes conditions.
Retour sur la définition des abords de Monuments Historiques
L’article L. 621-30 du code du patrimoine dispose que :
« (…) II. – La protection au titre des abords s’applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, situé dans un périmètre délimité par l’autorité administrative dans les conditions fixées à l’article L. 621-31. Ce périmètre peut être commun à plusieurs monuments historiques.
En l’absence de périmètre délimité, la protection au titre des abords s’applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, visible du monument historique ou visible en même temps que lui et situé à moins de cinq cents mètres de celui-ci. (…) »
Exemples casuistiques de covisbilité d’un projet avec un MH
Une haie végétale, y compris persistante, ne permet pas d’écarter la covisibilité (CAA Marseille, 13/11/2018, n° 18MA02269 et CAA Bordeaux, 10/12/2019, n° 18BX00169) ;
Un unique angle de covisibilité suffit (CAA Bordeaux, 12/02/2007, n° 04BX00894) ;
Depuis tout type de voie ou emprise publique : rue, chemin rural, etc. (CE, 08/09/1997, n° 161956 et CE, 04/11/1994, n° 103270) ;
Y compris depuis la plateforme de la cathédrale de Strasbourg située à 66 mètres de haut, dont l’accès est saisonnier et l’entrée payante (CE, 20/01/2016, n° 365987).